Dans cet article, je vous propose d'explorer les troubles du comportement de la personne âgée en institution. Si vous êtes à la recherche d'outils, si vous cherchez à améliorer votre pratique, lisez la suite..
De quoi parle t on ?
Il s'agit de manifestations, de troubles non cognitifs observés lors de la maladie d'Alzheimer ou de maladies apparentées. La Haute Autorité de Santé définit les TCP comme des « comportements, attitudes ou expressions dérangeants, perturbateurs ou dangereux pour la personne ou autrui » dans le cadre de la maladie d’Alzheimer ou maladies apparentées. Ils incluent notamment l’opposition, l’agitation, l’agressivité, l'apathie, la désinhibition, les cris, les idées délirantes, les hallucinations et les troubles du rythme veille/sommeil . Dans son ouvrage « Ces troubles qui nous troublent », pour Jérôme Pélissier, les troubles du comportement sont appréhendés en termes de « comportements troublés », considérant que ceux-ci, « du moins une partie d’entre eux, sont des formes d’interprétation et d’adaptation à la réalité telle que la personne la perçoit, ils ont donc une cohérence propre qu’il serait bon de décrypter, de comprendre plutôt que de les interpréter au regard d’un comportement dit normal ».
Ce sont des comportements qui dérangent, mais qui dérangent qui pour commencer ? Le patient lui même ? ou plutôt son entourage personnel ou professionnel ?
Les personnes atteintes de troubles cognitifs ont une perception de la réalité et de leur environnement perturbée, elles ne sont plus capables d'interagir de la même manière, ce qui amènent à des incompréhensions, des tensions, des conflits.
Les échelles
Il est important d'avoir le même langage en équipe, de pouvoir objectiver les troubles pour se dégager de l'aspect émotionnel, de pouvoir mettre en place des approches méthodiques et réévaluées dans le temps. On peut s'appuyer sur des échelles pour cela. Elles peuvent être utilisées en cas de troubles du comportement inhabituels afin d'instaurer un accompagnement non médicamenteux et/ou médicamenteux. Elles sont également utilisées pour entrer et sortir en unités spécifiques (secteur protégé, PASA, UHR...).
Les échelles les plus utilisées et reconnues sont :
1. le NPI ES, inventaire neuropsychiatrique version équipe soignante. Elle passe en revue beaucoup de troubles du comportement, leur fréquence, gravité et retentissement sur la charge de travail des professionnels. C'est la seule qui met en avant ce retentissement et elle est intéressante pour cela. Elle nous permet d'avoir une image à un instant T. Elle peut, par contre, être assez longue en passation. Voici l'échelle : NPI ES
2. La CMAI, l'inventaire d'agitation de Cohen-Mansfield. Il faut coter la fréquence pour chaque item. Elle ne prend pas en compte tous les troubles du comportement, essentiellement l'agitation et l'agressivité, en balayant d'autres comportements troublés. Elle est assez rapide. Vous pouvez la télécharger ici : CMAI
3. EPADE, l'Échelle d'évaluation, chez les Personnes Agées, des symptômes et des syndromes DÉconcertants. Elle est plus succincte que les autres, ne passe pas en revue tous les troubles, mais principalement les comportements perturbateurs. Elle est rapide de passation et donne des indications sur les conduites à tenir, ce qui est pour moi le plus intéressant pour les équipes. La voilà : EPADE
Les grilles d'analyse
Quand on est confrontés aux comportements troublés, il est indispensable de croiser les regards, de travailler en équipe. Personne ne détient la vérité, chaque professionnel a une partie du puzzle et a sa manière de la voir. Il est essentiel de puiser dans la compétence, l'expertise et l'expérience de chacun.
Je vous propose ici des grilles d'analyse documentées par plusieurs équipes afin de vous aider à explorer et à mieux accompagner les personnes troublées.
les 5 W :
- What/quoi ? de quel trouble parle-t-on ? Quel est ou quels sont les comportements observés ? Qu'est ce qui pose problème ?
- Who/Qui ? Cela pose problème à qui ? Avec qui ce trouble se manifeste ? ou en l'absence de qui ?
- Where/où ? A quel endroit ? Dans quel lieu celui-ci se produit ou au contraire diminue ?
- When/Quand ? A quel moment de la journée, de l'année ? Y a t il des moments où ce comportement s'exprime plus (lors de la toilette ? le matin ? la nuit? etc.) ou au contraire où on n'observe aucun trouble.
- Why/pourquoi ? Quelles sont les hypothèses ? Quels sont les causes possibles ? Cherchez les facteurs biologiques, physiologiques (la douleur en 1er lieu, les besoins primaires, l'inconfort, les infections, la déshydratation, la constipation...), les facteurs psychologiques (le stress, la peur, la dépression, les traumatismes...), les facteurs environnementaux (sur ou sous stimulation, trop de bruit, manque de repères...) et interpersonnels (communication ou approche inadaptée, confusion avec une autre personne...)
DICE :
Il s'agit d'une méthode, développée par le Dr Helen C. Kales, qui permet de comprendre, d'évaluer et gérer les troubles psycho-comportementaux
- Décrire : quelles sont les situations où surviennent des comportements problématiques
- Investiguer : explorer les causes, les facteurs déclenchants
- Créer : un plan de soins personnalisé
- Evaluer : suivre l'évolution et réadapter le plan
Les approches
Là aussi, je vais vous livrer celles qui me touchent particulièrement et qui m'ont aidé dans ma pratique. Ces approches sont des philosophies de soin, elles proposent une manière d'appréhender la maladie et offre des repères pour accompagner dignement et avec éthique. Il en existe évidemment d'autres, à vous de trouver celle qui vous parle.
- L'approche Carpe Diem. Développée par Nicole Poirier au Québec. Cette psychologue oeuvre pour faire évoluer le regard sur la personne atteinte de maladie neuro-évolutive, afin de voir la personne et non la maladie. Blandine Prévost, qui est atteinte de la maladie d'Alzheimer de façon précoce, milite également en France avec Ama Diem. Pour en savoir plus : Carpe Diem
- la validation de Naomi Feil. Cette psychologue a développé un mode de communication, centré sur l'empathie, le respect de ce que vit la personne. Cette approche s'adresse aux grands désorientés. La validation
- La méthode Montessori adaptée à la personne âgée. "Toute aide inutile est une entrave au développement de l'individu. Chaque chose que vous faites à ma place est une chose que vous m'enlevez" Maria Montessori. Sa devise : "Aide moi à faire seul." Cameron Camp et Jerôme Erkes ont développé cette approche auprès de la personne âgée. La personne âgée, même avec des troubles cognitifs, a des capacités préservées qu'il convient de stimuler. Vous pouvez trouver des ressources sur le site ag&d
les Interventions Non Médicamenteuses
Face aux troubles du comportement, il convient de mettre en place une approche adaptée, de tenter de prévenir l'apparition des troubles et de pouvoir apaiser la personne si un trouble apparait. Pour cela, on fera appel aux interventions non médicamenteuses. Elles sont à utiliser en première intention, avant les médicaments et visent à soulager, à apaiser et à améliorer la qualité de vie, le bien être de la personne. Il en existe de plus en plus : musique, arts, danse, médiation animale, innovations technologiques, approches multisensorielles...
Vous pouvez télécharger le guide de la Fondation Médéric qui répertorie les interventions médicamenteuses Guide INM
Quelques ressources
Pour terminer cet article, je vous propose quelques sites intéressants. Ne pas s'arrêter sur la maladie et le trouble, mais connaître la personne, son histoire, ses habitudes, ce qu'elle aime, ce qui l'apaise. Prendre en compte la globalité, l'environnement, l'entourage de la personne seront autant de ressources. Soyez créatifs, patients et compréhensifs, essayez, essayez et réessayez. Sans oublier aussi de se protéger, de se ressourcer et de prendre de la distance, car cela peut être usant et frustrant.